100€ OFFERTS SUR ZETURF >> J'EN PROFITE !! (Code TURFOOVIP)
Actualités hippiques

Il était une fois Jorky, le surdoué

25/08/2013
image Il était une fois Jorky, le surdoué

 Fin des années 1970, début des années 1980, un trotteur a illuminé les hippodromes de France d'abord, puis du monde entier, Jorky. Voici sa saga.

Irrésistible jusqu'à l'âge de 6 ans, malheureusement souvent blessé ensuite mais toujours aussi bon quand il pouvait courir, Jorky est l'un des plus doués des trotteurs de l'histoire de l'hippisme français.

Jorky est né précisément le 4 juin 1975. Ses origines sont fabuleuses. Le papa, c'est Kerjacques, l'"étalon du siècle", dont je vous ai déjà narré la saga (lien en fin d'article). Et la maman, Vanina B. Celle-ci possède à son palmarès plusieurs groupes I, dont les plus prestigieux sont le critérium des 5 ans et le prix de France. Elle a aussi terminé 2e du prix d'Amérique... Leur union n'aurait cependant jamais dû être programmée, en raison d'une incompatibilité sanguine. C'est donc avec un coup de pouce de la nature que Jorky est né, coup de pouce qui, bien sûr, contribue grandement à favoriser une légende... D'ailleurs, au passage, autant il m'arrive habituellement, pour cette rubrique dédiée aux chevaux de légende, de passer du temps à rechercher des sources d'informations, autant en l'occurrence j'en ai passé à lire les innombrables sources, tant Jorky a stimulé les écrits.

Autre originalité de la naissance de notre Jorky, la date, très avancée dans l'année. En tant habituel, les éleveurs font en sorte que leurs poulains naissent en début d'année, en janvier-février, au plus tard en mars, tout simplement pour qu'ils soient compétitifs dès les courses de jeunes. Avoir un poulain né un 4 juin, c'est exceptionnel ! De fait, Jorky ne court pas à 2 ans, et débute en avril 1978, dans une course déjà mémorable : il prend un ascendant "énorme" sur ses concurrents et passe la ligne avec une avance invraisemblable... Du moins, c'est ce que croit son driver, qui s'est trompé d'un tour. Arrêté, Jorky voit tout le peloton le dépasser, alors qu'il avait course gagnée, et très facilement...

Critériums des 3 ans, des 4 ans, des 5 ans, et continental !

Mais rapidement, Jorky va prendre le leadership de sa génération. La façon avec laquelle il remporte le critérium des 3 ans à l'automne 1978, très loin devant ses adversaires, le positionne déjà comme un trotteur d'exception. En 1979, à 4 ans donc, Jorky commence à trouver des tâches plus ardues, il faut parfois rendre 25 mètres. Il continue pour autant à enchaîner les bonnes performances, entre victoires et jolies places derrière des trotteurs partis devant lui. Jusqu'au critérium des 4 ans, disputé le 5 juin, le lendemain de son anniversaire. Il y écrase littéralement l'opposition. A la fin de cette année 1979, Jorky confirme qu'il aime les critériums en remportant le critérium continental. Là encore, à la manière des forts, en partant de loin et en terminant avec de la marge.

1980, Jorky a 5 ans. Léopold Verroken, son entraîneur-driver, possède également dans son écurie Eleazar, 10 ans alors, et préfère courir avec ce dernier le prix d'Amérique, en espérant que l'expérience soit prépondérante. Choix judicieux, puisque Eleazar remporte ce prix d'Amérique, puis le prix de France dans la foulée. Mi-février, une performance de Jorky attire pourtant l'attention : il est au départ du prix de sélection, avec 50 mètres de rendement de distance face aux "jeunes" de 4 ans, mais aussi à poteau égal avec le champion confirmé Idéal du Gazeau, d'un an son aîné. Or, il termine deuxième de cette course, de peu derrière un "jeune", mais surtout devant Idéal du Gazeau ! Quelques semaines plus tard, Jorky est au départ du prix de l'Atlantique, à Enghien, face à un autre champion, Hadol du Vivier. Et Jorky parvient à remporter ce nouveau groupe I, devant le favori de la course. Le 15 mai à Munich, Jorky retrouve Idéal du Gazeau au départ du Grand prix de Bavière, sa première course en dehors de France. Il y termine deuxième, une nouvelle fois devant Idéal du Gazeau. Ce denier prend sa revanche toutefois mi juin dans le prix René Barrière, les deux protagonistes font 1 et 2. Fin juin, Jorky remporte sa première course étrangère à La Haye, le Grand prix des Pays-Bas. Arrive le critérium des 5 ans. Jamais dans l'histoire aucun trotteur n'a réussi à remporter les trois critériums (3, 4 et 5 ans) plus le continental. La pression sur Jorky est d'autant plus forte qu'entre-temps il a trouvé un adversaire contemporain à sa mesure, Jiosco, qui reste sur une belle série. Mais le jour J, ce Jiosco craque rapidement et se montre fautif. De fait, Jorky ne fait qu'une bouchée de ses adversaires et termine à nouveau en tête, et détaché. Il gagne cette course 20 ans après sa mère et 21 ans après son père, et devient ainsi (et c'est toujours le cas aujourd'hui, cet article est écrit en 2013) l'unique trotteur de l'histoire à avoir remporté ces quatre critériums. Jorky termine l'année 1980 avec plusieurs succès, dont le plus prestigieux est le Grand prix des nations, disputé à Milan.

Il gagne tout, sauf le prix d'Amérique

1981, 6 ans. C'est le moment de s'attaquer, enfin, au prix d'Amérique. D'abord avec l'ultime préparatoire, le prix de Belgique, mi-janvier. Jorky y termine deuxième, très près du vainqueur, Ianthin... parti 25 mètres devant lui. Le jour du prix d'Amérique, Jorky est favori. La course se passe de telle façon que Jorky est enfermé dans le peloton. Un incident de course, plusieurs fautifs, il est presque arrêté au moment où Idéal du Gazeau s'échappe pour la gagne. Dans la dernière ligne droite, la remontée de Jorky sur le leader est impressionnante, mais l'exploit était impossible, il terminera deuxième. Jorky remporte toutefois peu de temps après une nouvelle victoire de prestige avec le prix de Paris, alors qu'il était le seul concurrent à rendre 25 mètres au départ. Le 31 mai, il est au départ de l'Elitloppet, LA course de trot de Suède. Jorky la remporte magnifiquement, certes en profitant de la faute du favori, un trotteur américain du nom de Burgomeister. Huit jours plus tard, Idéal du Gazeau, malheureux en Suède, et Jorky se retrouvent au Danemark pour la Coupe de Copenhague, et c'est une nouvelle victoire de Jorky, devant celui qui l'a devancé dans le prix d'Amérique. Un peu plus tard, Jorky revient à Vincennes pour remporter le prix René Ballière. Ensuite, Jorky regagne à La Haye, puis fait sien l'Elite Rennen à Gelsenkirchen.

Arrive alors une course mémorable, une sorte de finale du championnat du monde des trotteurs disputée aux Etats-Unis, à New-York. C'est le Roosevelt International Trot, avec deux concurrents français au départ, Jorky et Idéal du Gazeau, mais aussi des champions du continent américain, et même des Australiens... Jorky y termine deuxième, de peu, de son compatriote. Il y a une revanche, également à New-York, la Challenge Cup. Là, les deux protagonistes français terminent ensemble, sans être séparés dans la victoire, dans un dead-heat mémorable !Toujours en 1981, année très riche, et après une nouvelle victoire à Munich, Jorky est aligné à Amiens face au champion Iris de Vandel, un trotteur que beaucoup considèrent comme le meilleur, mais qui ne peut courir les meilleures courses du fait qu'il est hongre. L'histoire retient cette course, car elle fut fantastique, bien que ne figurant pas sur les calendriers des courses de pointe. Les deux champions s'y sont en effet tirer la bourre tout au long de la course. En particulier dans la dernière ligne droite, où Jorky sembla d'abord gagner facilement, puis fut rejoint, avant finalement de l'emporter d'une longueur dans un ultime coup de rein. Jorky gagne ensuite le prix de Bretagne...

La suite est malheureusement moins joyeuse. Souffrant de problèmes circulatoires au niveau des jambes, Jorky est forfait du prix du Bourbonnais, puis du prix de Belgique en janvier 1982. En 1982, à 7 ans, il sera finalement forfait tout l'hiver, ne disputant pas un prix d'Amérique dont il aurait été l'un des grandissimes favoris. Cette année-là, Jorky ne gagne qu'une course d'envergure, mais quelle course,  la Challenge Cup, à New-York. Les problèmes circulatoires reprennent malheureusement pendant l'hiver. Et l'année 1983, celle des 8 ans, ne lui vaut que quelques sorties en Belgique ou en Allemagne. En même temps, son entourage (son propriétaire et éleveur est Bernard Billard) "profite" de l'inactivité en course pour utiliser l'étalon.

1984, année des 9 ans, dernière année en course. Jorky est engagé pour la deuxième fois de sa carrière seulement au départ du prix d'Amérique. Bien qu'il revienne d'une inactivité forcée, il fait mieux qu'y figurer, il oblige le futur vainqueur, Lurabo, à sortir le grand jeu, en l'attaquant jusqu'au poteau. C'est une nouvelle deuxième place, le prix d'Amérique restera finalement la seule course de haut niveau que Jorky n'aura pas gagnée. Dans le prix de France qui suit, Jorky se blesse. Il ne reviendra plus sur les pistes. En tout, dans toute sa carrière, il y a gagné 8 778 800 francs, soit près d'un million 350 mille de nos euros actuels selon la conversion officielle, mais en fait beaucoup plus compte-tenu de l'évolution du prix des courses depuis 30 ans.

Au haras, il produit de bons trotteurs, mais aucun champion. Et c'est finalement prématurément, à l'âge de 14 ans, que Jorky disparaît, victime d'une rupture d'estomac. Mais quelle carrière, et quelles courses il aura disputées, face aux meilleurs champions de son époque !

Notre photo de Jorky vient du blog http://jag28.over-blog.com.