Sea Cove, tous derrière lui devant
09/02/2012L’énorme champion canadien Sea Cove, au style si particulier, mérite une belle place parmi nos chevaux de légende. Il vient de nous quitter à presque 26 ans, et je me devais de rappeler non seulement le palmarès, mais encore la manière avec laquelle ce trotteur d’exception a remporté les plus belles courses. Une tactique invraisemblable : il partait loin devant, pour ne pas être rejoint !Sea Cove est né au Canada en 1986. Son parcours est original dès le commencement. Il se retrouve en Europe par l’intermédiaire de Norvégiens qui l’acquièrent, avant de le céder à un Allemand. Entraîné par Harald Grendel (j’ai aussi trouvé plusieurs courses où l’entraîneur officiellement indiqué est Jean-Lou Peupion, je pense, sans avoir pu le vérifier, que Sea Cove était entraîné en Allemagne d’une manière générale, et qu’il rejoignait les boxes de l’entraîneur français lorsqu’il devait courir plusieurs courses d’affilée à Vincennes ou Cagnes-sur-Mer), il se voit confié aux mains d’un jeune driver ambitieux, qui a déjà fait ses armes en Belgique, mais qui débute alors en France : Joseph Verbeeck, Jos pour les intimes, et bientôt pour tout le monde du trot.
Meilleur trotteur européen en 1992 et 1993
C’est à l’âge de 6 ans, en 1992 donc, que Sea Cove se révèle au grand public. Une année « internationale » puisqu’il gagne des courses de groupes aussi bien en Suède (l’Aby Stora Pris), qu’en Norvège (le Grand Prix d’Oslo), en Allemagne (l’Elite Rennen et le Grosser Preis Von Bild) qu’en France (le prix du Bourbonnais). C’est ainsi que Sea Cove est sacré meilleur cheval européen en cette année 1992.L’année qui suit, il fera encore mieux. Il commence par une 2e place dans le prix de Belgique et une 4e dans le prix d’Amérique. Viennent ensuite les victoires. L’une des plus magistrales de sa carrière est celle obtenue dans le prix de France 1993. Je vous ai mis le lien vers la vidéo en fin d’article, ne vous privez pas de ce plaisir. Sea Cove s’échappe littéralement du peloton, prend 20 peut-être 30 mètres d’avance dans la ligne droite opposée, et alors que tous les observateurs pronostiquent qu’il doit s’effondrer sur le final, il conserve encore facilement une bonne quinzaine de mètres d’avance au passage du disque. Incroyable !Sea Cove poursuit cette année 1993 par des victoires tous azimuts. Il répète en Allemagne (toujours l’Elite Rennen et le Grosser Preis Von Bild), bouscule tous les meilleurs en Suède en remportant le Hugo Abergs Memorial et, surtout, l’Elitloppet (considérée comme l’une des plus belles courses au monde avec le prix d’Amérique), on le revoit gagner en France aussi bien à Cagnes-sur-Mer (Grand critérium de vitesse de la Côte-d’Azur), à Agen (hippodrome où se courait cette année-là le Grand Prix du Sud-Ouest), qu’à Vincennes bien sûr (prix René Ballière). Evidemment, avec de telles victoires, Sea Cove fut à nouveau sacré meilleur cheval européen de l’année.
Elitloppet et prix de France en 1993, prix d’Amérique en 1994
Commence alors 1994, alors qu’il ne manque finalement qu’une course européenne d’envergure au palmarès du champion canadien, le prix d’Amérique. Vourasie (la sœur du « roi » Ourasi) et Queen L (tenante du titre) sont les favorites. Au sulky de Sea Cove, Jos Verbeeck tente à nouveau un coup de poker invraisemblable : il part devant, comme lors du prix de France précédent. Mais cette fois la distance est plus longue, il faut tenir. De la même manière, il débute la ligne droite finale avec 15 ou 20 mètres d’avance. Surgissent alors ses poursuivants, lancés à pleine vitesse, avec les deux juments favorites en tête de cette meute. Au passage du disque, Sea Cove n’a plus qu’un museau d’avance sur Vourasie, à peine plus sur Queen L, mais le résultat est là, il vient de gagner le prix d’Amérique !L’histoire permettra de savoir, a posteriori, qu’en choisissant cette tactique de fuyard, Jos Verbeeck n’avait pas respecté du tout les consignes de son entraîneur. Le « diable belge » entrait ainsi dans l’histoire, tandis que Sea Cove présentait dès lors l’un des plus merveilleux palmarès que l’on puisse imaginer pour un trotteur. Son entourage devait décider de ne pas trop tirer sur la corde avec lui, Sea Cove gagne encore le prix René Ballière 1994 (avec un chrono record de 1’12’’ qui va durer plusieurs années), et ça s’arrête là. Au total, le trotteur canadien a couru à 111 reprises, dont 54 victoires, et 36 places : une fois sur deux il a gagné, et quand il ne gagnait pas, deux fois sur trois il se plaçait !La suite de l’histoire de Sea Cove est malheureusement moins pléthorique. L’étalon devait se révéler stérile, son entraîneur et propriétaire Harald Grendel devait tomber malade. Finalement c’est le propriétaire de la piste de Mariendorf, à Berlin, qui a recueilli Sea Cove pour lui permettre de vivre paisiblement ses dernières années. Sea Cove qui a donc disparu fin janvier 2012. Avouez qu’il méritait bien cet hommage.