Ozo, la déconcertante
03/12/2010Pour notre série consacrée aux chevaux de légende, je vous parle cette semaine de Ozo. Ozo était une trotteuse née en 1958, qui connut son heure de gloire sur les pistes entre 1962 et 1965. L’adjectif qualifiant le mieux cette championne (car elle en fut une) est « déconcertante ». J’ai retrouvé un article du célèbre journaliste hippique Homeric parlant d’elle dans L’Express. Je vous livre un extrait, c’est sans doute encore la meilleure manière de la présenter : « Ozo la folle était capable d’exploits titanesques, du meilleur comme du pire. Déconcertante. Ainsi, on la vit plusieurs fois tourner la croupe aux élastiques du départ, refuser les ordres du starter, puis soudainement, alors que le peloton s’était élancé depuis 100 mètres, faire volte-face, entamer une course-poursuite suicidaire, remonter ses rivaux d’un trait, leur prendre une ligne droite d’avance pour enfin se désintéresser totalement du challenge, blanche d’écume. »
Vous l’aurez compris : un talent fou, mais extrêmement compliqué à canaliser.
De fait, les anecdotes ne manquent pas la concernant. En 1962, elle montre une furie telle dans l’avion qui la transporte vers les Etats-Unis où elle doit courir que le pilote veut l’euthanasier pour sauver l’appareil… Le lad intervient avec une dose massive de calmants… ce qui n’empêcha pas la belle de remporter l’objectif visé dans la foulée !
Plus tard, en 1965, Ozo est proche de mourir une nouvelle fois, victime d’une occlusion intestinale. A peine guérie, son mentor, Roger Massue, l’engage dans le critérium de vitesse de Cagnes-sur-Mer, et là encore elle survole les débats.
Dans cette vie de coureuse extrême, Ozo s’est forgé un palmarès impressionnant : elle a remporté deux prix d’Amérique, en 1963 et 1965, le prix du Président de la République (au trot monté), l’Elitloppet en Suède, le grand prix des Nations en Italie, le grand prix de Bavière en Allemagne…
Outre ses frasques, elle avait une particularité : courir avec la queue en trompette, remontant fièrement comme un panache d’insolence. D’ordinaire, un tel comportement chez un trotteur signifie une extrême facilité dans la gagne, et c’est vrai qu’elle en usait. Mais en l’occurrence, il semble que la malheureuse souffrait en fait de ses ovaires, et cela tout au long de sa carrière de course. C’est d’ailleurs suite à un abcès récurrent dans cette partie de son corps qu’elle disparut, prématurément, à l’âge de 8 ans, sans laisser la moindre descendance. On rapporte que la pauvre souffrit le martyr dans ses derniers instants, ce qui eut d’ailleurs pour effet d’attendrir le public à son encontre, et de montrer de la sollicitude pour ce grand gabarit des courses à la robe noire. C’est ainsi qu’une plaque commémorative orne la proximité de l’une des entrées de Villedieu-les-Poêles (dans la Manche, près du Mont-Saint-Michel), patrie de son entourage. Quant au monde hippique, il lui rendit hommage à travers un prix Ozo, un groupe II qui se court au mois de mai à Vincennes depuis 1992, et réservé aux trotteuses de 3 ans.
Notre photo, retrouvée sur plusieurs sites internet, montre Ozo et son grand gabarit.